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ferai tremper une dernière fois ; et, depuis ce matin, je prie, je demande pardon de ma révolte d’hier… N’est-ce pas ? ma sœur, il suffit à la sainte Vierge d’une seconde, quand elle veut bien guérir un de ses enfants… Que sa volonté soit faite et que son nom soit béni !

Il s’était remis à dire les Ave et les Pater, en roulant les grains du chapelet d’une main plus lente, tandis que ses paupières se fermaient à demi, dans sa face molle, où revenait une expression d’enfance, depuis tant d’années qu’il était comme retranché du monde.

Mais Ferrand avait appelé d’un signe Marthe, la sœur du frère Isidore. Elle était là, debout au pied du lit, les bras ballants, regardant le moribond qu’elle adorait, sans une larme, avec sa résignation de pauvre fille, à la cervelle étroite. Elle n’était qu’un chien dévoué, elle avait suivi son frère, dépensant ses quatre sous d’économies, ne servant à rien qu’à le voir souffrir. Aussi, quand le médecin lui dit de prendre dans ses bras le malade et de le soulever un peu, fut-elle bien heureuse d’être enfin utile à quelque chose. Sa face épaisse et morne, tachée de rousseurs, s’éclaira.

— Tenez-le, pendant que je vais tâcher de lui faire prendre ceci.

Elle le souleva, et Ferrand parvint, avec une petite cuiller, à introduire, entre ses dents serrées, quelques gouttes de liquide. Presque aussitôt le malade rouvrit les yeux, soupira profondément. Il était plus calme, l’opium faisait son effet, endormait la douleur qu’il sentait dans son flanc droit, comme un fer rouge. Mais il restait si faible, que, lorsqu’il voulut parler, on dut approcher l’oreille de sa bouche, pour entendre.

D’un petit geste de la main, il avait prié Ferrand de se pencher.

— Monsieur, vous êtes le médecin, n’est-ce pas ? Donnez-moi des forces pour que j’aille encore à la Grotte,