Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/354

Cette page n’a pas encore été corrigée

retour que le soir. Quel heureux don que l’insouciance ! Lui, maintenant, les membres morts de lassitude, l’esprit éperdu, était triste à mourir. Tout semblait tourner contre sa bonne volonté à reconquérir la foi de son enfance. L’aventure tragique du curé Peyramale venait encore d’aggraver la révolte que lui avait laissée l’histoire de Bernadette, élue et martyre. La vérité qu’il était venu chercher à Lourdes, au lieu de lui rendre la foi, allait-elle donc aboutir à une haine plus grande de l’ignorance et de la crédulité, à cette amère certitude que l’homme est seul en ce monde, avec sa raison ?

Enfin, il s’endormit. Mais des images continuaient à flotter dans son pénible sommeil. C’était Lourdes gâté par l’argent, devenu un lieu d’abomination et de perdition, transformé en un vaste bazar, où tout se vendait, les messes et les âmes. C’était le curé Peyramale mort et couché au milieu des ruines de son église, parmi les orties que l’ingratitude avait semées. Et il ne se calma, il ne goûta la douceur du néant que lorsqu’une dernière vision, pâle et pitoyable, se fut effacée, celle de Bernadette à Nevers, agenouillée dans un coin d’ombre, rêvant à son œuvre, là-bas, qu’elle ne devait jamais voir.