Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/353

Cette page n’a pas encore été corrigée

gigantesques s’étendaient, le quai en pierres de taille, tout le long du Gave, dont on avait dû détourner le cours, le pont neuf qui reliait les nouveaux jardins au boulevard récemment ouvert, et les rampes colossales, et l’église massive du Rosaire, et la Basilique élancée, d’une grâce fière, dominant tout. Aux alentours, on ne voyait de la ville neuve, à cette distance, qu’un pullulement de façades blanches, qu’un miroitement d’ardoises neuves, les grands couvents, les grands hôtels, la cité riche poussée comme par miracle de l’antique sol pauvre ; tandis que, derrière la masse rocheuse où se profilaient les murs croulants du Château, apparaissaient, confuses et perdues, les toitures humbles de l’ancienne ville, un pêle-mêle de petits toits mangés par l’âge, serrés peureusement les uns contre les autres. Et, comme fond à cette évocation de la vie d’hier et d’aujourd’hui, sous la gloire de l’éternel soleil, le petit Gers et le grand Gers montaient, barraient l’horizon de leurs flancs nus, que les rayons obliques sabraient de jaune et de rose.

Le docteur Chassaigne voulut accompagner Pierre jusqu’à l’hôtel des Apparitions ; et là seulement il le quitta, en lui rappelant le rendez-vous qu’il lui avait donné pour le soir. Il n’était pas onze heures encore. Pierre, que la fatigue, tout d’un coup, venait d’anéantir, s’efforça de manger, avant de se mettre au lit ; car il sentait bien que le besoin était pour beaucoup dans sa défaillance. Il trouva heureusement une place libre à la table d’hôte, mangea en dormant, les yeux ouverts, sans savoir ce qu’on lui servait ; puis, il monta et se jeta sur son lit, après avoir eu le soin de dire à la servante de le réveiller à trois heures.

Mais, dès qu’il fut allongé, la fièvre où il était l’empêcha d’abord de fermer les yeux. Une paire de gants, oubliée dans la chambre voisine, lui avait rappelé M. de Guersaint, parti avant le jour pour Gavarnie, et qui devait n’être de