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l’homme gâte les œuvres les plus belles… Et vous ne pouvez vous imaginer encore l’affreuse tristesse des choses que je viens de vous conter. Il faut voir, il faut toucher du doigt… Désirez-vous que je vous fasse visiter, ce soir, la chambre de Bernadette et l’église inachevée du curé Peyramale ?

— Certes, très volontiers !

— Eh bien ! après la procession de quatre heures, je vous retrouverai devant la Basilique, vous viendrez avec moi.

Et ils ne parlèrent plus, perdus chacun dans sa rêverie.

Sur leur droite maintenant, le Gave coulait dans une gorge profonde, une sorte d’entaille où il s’engouffrait, comme disparu, parmi des arbustes. Mais, parfois, on en revoyait une coulée claire, pareille à de l’argent mat. Plus loin, après un brusque détour, on le retrouvait élargi au travers d’une plaine, s’étalant en nappes vives qui devaient changer souvent de lit, car le sol de sable et de cailloux était raviné de toutes parts. Le soleil commençait à être brûlant, déjà haut dans le vaste ciel dont le bleu limpide se fonçait, d’un bord à l’autre de l’immense cirque des montagnes.

Ce fut à ce détour de la route que Lourdes reparut, lointain encore, aux yeux de Pierre et du docteur Chassaigne. Sous la splendide matinée, la ville blanchissait à l’horizon, dans une poussière volante d’or et de pourpre, avec ses maisons, ses monuments de plus en plus distincts, à chaque pas qui les en rapprochait. Et le docteur, sans parler, finit par montrer à son compagnon cette ville grandissante, d’un geste large et triste, comme pour la prendre à témoin des histoires qu’il avait dites. C’était l’exemple, s’évoquant dans l’éclatante lumière du jour.

Déjà, l’on apercevait le braisillement de la Grotte, affaibli à cette heure, parmi les verdures. Puis, les travaux