francs de travaux exécutés, venait d’attaquer l’héritier du curé, la fabrique et la ville, cette dernière se refusant toujours à verser les cent mille francs votés par elle. D’abord, le Conseil de Préfecture se déclara incompétent ; puis, le Conseil d’État lui ayant renvoyé l’affaire, il condamna la ville à donner les cent mille francs et l’héritier à terminer l’église, tout en mettant la fabrique hors de cause. Mais il y eut un nouveau pourvoi devant le Conseil d’État, qui cassa l’arrêt ; et, cette fois, retenant l’affaire, il condamna la fabrique, ou à son défaut l’héritier, à payer l’entrepreneur. Ni l’une ni l’autre n’était solvable, la situation en resta là. Ces procès avaient duré quinze années. La ville s’étant résignée à donner ses cent mille francs, on ne devait plus à l’entrepreneur que deux cent mille francs. Seulement, les frais de toutes sortes, les intérêts accumulés avaient grossi cette somme à un tel point, qu’elle atteignait désormais le chiffre de six cent mille francs ; et, comme, d’autre part, on estimait à quatre cent mille francs l’argent nécessaire à l’achèvement de l’église, c’était donc un million qu’il fallait pour en sauver la jeune ruine d’une destruction certaine. Dès ce jour, les pères de la Grotte purent dormir tranquilles : ils l’avaient assassinée, l’église à son tour était morte.
Les cloches de la Basilique sonnèrent à toute volée, le père Sempé régna victorieux, au sortir de cette lutte gigantesque, cette guerre au couteau, où l’on avait tué des pierres, après avoir tué un homme, dans l’ombre discrète des sacristies. Et le vieux Lourdes, têtu et inintelligent, porta durement la peine de ne pas avoir mieux soutenu son curé, qui était mort à la peine, pour l’amour de sa paroisse ; car, dès lors, la ville nouvelle ne cessa de grandir et de prospérer, aux dépens de l’ancienne ville. Tout l’argent allait à la première, les pères de la Grotte battaient monnaie, commanditaient des hôtelleries et des boutiques de cierges, vendaient l’eau de la source,