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les aumônes ne viendraient plus qu’à lui, il emploierait à son gré le budget de huit cent mille francs environ, dont il disposait chaque année. Il achèverait les travaux gigantesques qui feraient de la Basilique tout un monde se suffisant à lui-même, il aiderait à l’éclat de la ville nouvelle pour isoler davantage l’ancienne ville, la reléguer derrière son rocher, ainsi qu’une paroisse infime, noyée dans la splendeur de sa voisine toute-puissante. C’était la royauté définitive, tout l’argent et toute la domination.

Pourtant, la nouvelle église paroissiale, bien que les travaux fussent abandonnés et qu’elle dormît dans son enclos de planches, était plus d’à moitié construite, jusqu’aux voûtes des bas côtés. Et il restait là une menace, si quelque jour la ville tentait de la finir. Il fallait achever de la tuer, elle aussi, en faire une ruine irréparable. Le sourd travail continua donc, une merveille de cruauté, de destruction lente. D’abord, le nouveau curé, une simple créature, fut conquis, à ce point qu’il ne décachetait même plus les envois d’argent adressés à la paroisse : toutes les lettres chargées étaient portées directement chez les pères. Ensuite, on critiqua l’emplacement choisi pour la nouvelle église, on fit rédiger, par l’architecte diocésain, un rapport qui déclarait l’église ancienne très solide et suffisant aux besoins du culte. Mais, surtout, on pesa sur l’évêque, on dut lui représenter le côté fâcheux des difficultés d’argent survenues avec l’entrepreneur. Ce Peyramale n’était plus qu’un homme violent, entêté, une sorte de fou dont le zèle indiscipliné avait failli compromettre la religion. Et l’évêque, oubliant qu’il avait bénit la première pierre, lança une lettre pour mettre l’église en interdit, avec défense d’y célébrer tout service religieux, ce qui fut le coup suprême. Des procès interminables s’étaient engagés, l’entrepreneur qui n’avait reçu que deux cent mille francs sur les cinq cent mille