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que toutes, exaltées, la suppliaient de leur vendre, très cher. Une marquise tenta de le conquérir, en lui en donnant un autre qu’elle avait apporté, à la croix d’or, aux grains de perles fines. Beaucoup espéraient qu’elle consentirait à faire devant elles un miracle ; et on lui amenait des enfants à toucher, on la consultait sur des maladies, on tâchait d’acheter son influence certaine sur la sainte Vierge. De grosses sommes lui furent offertes, on l’aurait comblée de présents royaux, au moindre signe, si elle avait témoigné le désir d’être une reine, ornée de pierreries et couronnée d’or. Les humbles restaient à genoux sur le seuil, les grands de la terre se pressaient à son entour, se seraient fait gloire de lui servir d’escorte. Même on raconta qu’il y en eut un, le plus beau et le plus riche des princes, qui vint, par un clair soleil d’avril, la demander en mariage.

— Mais, interrompit Pierre, ce qui m’a toujours frappé et déplu, c’est ce départ de Lourdes, à vingt-deux ans, c’est cette disparition brusque, cet emprisonnement dans le couvent de Saint-Gildard, à Nevers, d’où elle n’est jamais ressortie… Cela ne donnait-il pas prise aux bruits de folie qui ont faussement couru ? Ne s’exposait-on pas à ce qu’on supposât qu’on l’enfermait, qu’on la faisait disparaître, par crainte d’une indiscrétion de sa part, d’une parole naïve qui aurait livré le secret d’une longue supercherie ?… Et, pour dire le mot brutal, vous l’avouerai-je, moi-même je crois encore qu’on l’a escamotée.

Le docteur Chassaigne hocha la tête doucement.

— Non, non, en toute cette affaire, il n’y a jamais eu d’histoire arrêtée à l’avance, de gros mélodrame réglé dans l’ombre, joué ensuite par des acteurs plus ou moins conscients. Les choses se sont produites d’elles-mêmes, par la seule force des faits ; et elles ont toujours été très complexes, d’une analyse fort délicate… Ainsi, il est certain que Bernadette fut la première à désirer