Un faible sourire monta aux lèvres du docteur. Il comprenait, il aurait voulu calmer cette âme de prêtre, torturée par le doute.
— Oh ! bien volontiers, mon pauvre enfant. Je serais si heureux de vous aider à faire la lumière en vous !… Vous avez raison d’aimer Bernadette, cela peut vous sauver ; car j’ai réfléchi, depuis ces choses déjà anciennes, et je déclare que je n’ai jamais rencontré de créature si bonne et si charmante.
Alors, au rythme lent de leur marche, par la belle route, ensoleillée, et dans la fraîcheur exquise du matin, le docteur conta sa visite à Bernadette, en 1864. Elle venait d’avoir vingt ans, il y avait six ans déjà que les apparitions s’étaient produites ; et elle le surprit par son air simple et raisonnable, sa modestie parfaite. Les sœurs de Nevers, qui lui avaient appris à lire, la gardaient avec elles à l’Hospice, pour la défendre contre la curiosité publique. Elle s’y occupait, les aidait dans des besognes infimes, était d’ailleurs si souvent malade, qu’elle passait des semaines au lit. Ce qui le frappa surtout en elle, ce furent ses yeux admirables, d’une pureté d’enfance, ingénus et francs. Le reste du visage s’était un peu gâté, le teint se brouillait, les traits avaient grossi ; et, à la voir, elle n’était guère qu’une fille de service comme les autres, petite, effacée et chétive. Sa dévotion restait vive, mais elle ne lui avait pas paru l’extatique, l’exaltée qu’on aurait pu croire ; au contraire, elle montrait plutôt un esprit positif, sans envolée aucune, ayant toujours à la main un petit travail, un tricot, une broderie. En un mot, elle était dans la voie commune, elle ne ressemblait en rien aux grandes passionnées du Christ. Jamais plus elle n’avait eu de visions, et jamais, d’elle-même, elle ne causait des dix-huit apparitions, qui avaient décidé de sa vie. Il fallait qu’on l’interrogeât, qu’on lui posât une question précise. Brièvement, elle répondait,