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blanche ; et elle avait eu un dernier petit souffle, elle ne criait plus.

— Ô Vierge, Mère du Sauveur, guérissez-la !… Ô Vierge, Mère toute-puissante, guérissez-la !

Mais elle sentit son enfant plus légère encore sur ses bras tendus. Et, maintenant, elle s’effrayait de ne plus l’entendre se plaindre, de la voir si blanche, avec ses yeux ouverts, sa bouche ouverte, sans un souffle. Pourquoi ne souriait-elle pas, si elle était guérie ? Tout d’un coup, il y eut un grand cri déchirant, le cri de la mère, dominant la foudre, dans l’orage qui redoublait. Sa fille était morte. Et elle se leva toute droite, elle tourna le dos à cette Vierge sourde, qui laissait mourir les enfants ; et elle repartit comme une folle, sous l’averse battante, allant devant elle sans savoir où, emportant et berçant toujours le pauvre petit corps, qu’elle gardait sur les bras depuis tant de jours et tant de nuits. Le tonnerre tomba, dut fendre un des arbres voisins, d’un coup de cognée géant, dans un grand craquement de branches tordues et brisées.

Pierre s’était élancé à la suite de madame Vincent, pour la guider et la secourir. Mais il ne put la suivre, il la perdit tout de suite derrière le rideau trouble de la pluie ; et, quand il revint, la messe s’achevait, l’eau tombait moins violemment, l’officiant finit par s’en aller sous le parapluie de soie blanche, brodé d’or ; pendant qu’une sorte d’omnibus attendait les quelques malades, pour les reconduire à l’Hôpital.

Marie serra les deux mains de Pierre.

— Oh ! que je suis heureuse !… Ne venez pas me chercher avant trois heures, cette après-midi.

Resté seul, sous la pluie qui continuait plus fine et entêtée, Pierre entra dans la Grotte, alla s’asseoir sur le banc, près de la source. Il ne voulait pas se coucher, le sommeil l’inquiétait, malgré sa lassitude, dans la surexcitation nerveuse où il était depuis la veille. La mort de