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de grands nuages livides. Il comprit qu’un de ces orages, si brusques dans les pays de montagnes, montait rapidement du midi. Déjà, la foudre lointaine grondait, tandis que des souffles de vent balayaient les routes. Peut-être lui aussi avait-il dormi, car il ne retrouva plus le baron Suire, qu’il ne se souvenait pas d’avoir vu s’éloigner. Il restait à peine dix personnes devant la Grotte, parmi lesquelles il reconnut encore madame Maze, la face entre les mains. Mais, quand elle remarqua qu’il faisait grand jour et qu’on la voyait, elle se leva, disparut par l’étroit sentier qui conduisait au couvent des Sœurs bleues.

Inquiet, Pierre vint dire à Marie qu’il ne fallait pas rester là davantage, si elle ne voulait pas courir le risque d’être trempée.

— Je vais vous reconduire à l’Hôpital.

Elle refusa, elle supplia.

— Non, non ! j’attends la messe, j’ai promis de communier ici… Ne vous inquiétez pas de moi, rentrez vite à l’hôtel vous coucher, je vous en conjure. Vous savez bien que des voitures fermées viennent chercher les malades, quand il pleut.

Dès lors, elle s’obstina, pendant que lui-même répétait qu’il ne voulait pas se coucher. Une messe, en effet, était dite de très grand matin, à la Grotte, où c’était une joie divine, pour les pèlerins, que de pouvoir ainsi communier, après une longue nuit d’extase, dans la gloire du soleil levant. Et, comme de larges gouttes commençaient à tomber, un prêtre parut en chasuble, accompagné de deux clercs, dont l’un tenait au-dessus de l’officiant, afin de protéger le calice, un parapluie de soie blanche, brodée d’or, grand ouvert.

Pierre, qui avait poussé le chariot contre la grille, pour abriter Marie sous l’auvent de la roche, où s’étaient également réfugiés les quelques assistants, venait de regarder la jeune fille recevoir l’hostie avec une ferveur