— Oh ! Pierre, que je suis heureuse !… Je l’ai vue, je l’ai priée pour vous, et elle m’a souri, elle m’a fait un petit signe de la tête, pour me dire qu’elle m’entendait et qu’elle m’exauçait… Et elle ne m’a pas parlé, Pierre, mais j’ai compris ce qu’elle me disait. C’est aujourd’hui, à quatre heures du soir, que je serai guérie, lorsque le Saint-Sacrement passera.
Il l’écoutait, bouleversé. Avait-elle dormi, les yeux ouverts ? N’était-ce pas en rêve qu’elle avait vu la sainte Vierge de marbre incliner la tête et sourire ? Il fut pris d’un grand frisson, à cette pensée que cette pure enfant avait prié pour lui. Et il marcha jusqu’à la grille, il tomba sur les deux genoux, en bégayant : « Ô Marie ! ô Marie ! » sans savoir si ce cri de son cœur s’adressait à la Vierge ou à l’amie adorée de son enfance. Puis, il resta là, anéanti, attendant la grâce.
Des minutes interminables s’écoulèrent. Cette fois, c’était l’effort surhumain, l’attente du miracle qu’il était venu chercher pour lui-même, la brusque révélation, le coup de foudre emportant son doute, le rendant à la foi des simples, rajeuni et triomphant. Il s’abandonnait, il aurait voulu qu’une force souveraine ravageât son être et le transformât. Mais, comme tout à l’heure, pendant sa messe, il n’entendait en lui qu’un silence sans bornes, il ne sentait qu’un vide sans fond. Rien n’intervenait, son cœur désespéré semblait cesser de battre. Et il avait beau s’efforcer de prier, de fixer éperdument sa pensée sur cette Vierge puissante, si douce aux pauvres hommes : malgré tout, sa pensée s’échappait, était reconquise par le monde extérieur, s’occupait de détails puérils. De l’autre côté de la grille, dans la Grotte, il venait de revoir le baron Suire endormi, continuant son heureux somme, les mains jointes sur le ventre. D’autres choses encore l’intéressaient, les bouquets aux pieds de la Vierge, les lettres jetées là, comme à la poste du ciel, la délicate