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— C’est la source que vous entendez. Elle est dans le sol, derrière ce grillage… Voulez-vous la voir ?

Et, sans attendre que Pierre acceptât, il s’était déjà baissé, pour ouvrir un des panneaux qui la protégeait, en faisant observer que, si on la fermait ainsi, c’était de crainte que les libres penseurs ne vinssent jeter du poison dedans. Cette imagination extraordinaire stupéfia un instant le prêtre ; mais il finit par la mettre au compte du baron, qui avait en vérité beaucoup d’enfance.

Cependant, celui-ci se battait en vain avec le cadenas à lettres, qui ne voulait pas céder.

— C’est singulier, murmurait-il, le mot est Rome, et je suis bien certain qu’on ne l’a pas changé… L’humidité pourrit tout. Nous sommes obligés de remplacer, au bout de deux ans, les béquilles, là-haut, qui tombent en poussière… Apportez-moi donc un cierge.

Lorsque Pierre l’eut éclairé, avec un cierge, qu’il avait pris à une des herses, il réussit enfin à ouvrir le cadenas de cuivre, mangé de vert-de-gris. Et le panneau grillagé tourna, et la source apparut. C’était, dans une faille de la roche, sur un fond de graviers boueux, une eau lente, qui sortait limpide, sans bouillonnement ; mais elle paraissait venir sur une assez large étendue. Le baron expliquait que, pour la conduire aux fontaines, on l’avait canalisée dans des tuyaux recouverts de ciment. Même il avouait que, derrière les piscines, on avait dû creuser un réservoir, afin d’amasser l’eau pendant la nuit, car le faible débit de la source n’aurait pas suffi aux besoins journaliers.

— Voulez-vous la goûter ? offrit-il brusquement. Elle est encore meilleure, ici, à sa sortie de terre.

Pierre ne répondait pas, regardait cette eau tranquille, cette eau innocente, qui se moirait de reflets d’or, sous la lumière vacillante du cierge. Des gouttes de cire tombaient, l’animaient d’un frémissement. Et il songeait à