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ce qu’elles n’osaient dire à un prêtre, dans l’ombre du confessionnal. Enfin, une enveloppe, la dernière ouverte, contenait simplement une photographie : une fillette envoyait son portrait à Notre-Dame de Lourdes, avec cette dédicace : « À ma bonne Mère ». C’était, en somme, chaque jour, le courrier d’une Reine très puissante, qui recevait des suppliques et des confidences, et qui devait répondre en grâces, en bienfaits de toutes sortes. Les pièces de dix sous, les pièces de vingt sous étaient, naïvement, un simple témoignage d’amour, pour la fléchir ; et, quant aux timbres-poste, ils ne devaient être qu’une commodité, facilitant l’envoi d’argent ; à moins qu’ils ne fussent une pure innocence, comme dans la lettre d’une paysanne, qui avait ajouté un post-scriptum, pour dire qu’elle ajoutait un timbre et qu’elle attendait la réponse.

— Je vous assure, conclut le baron, il y en a de très gentilles, de moins bêtes qu’on ne croirait… Pendant trois ans, j’ai trouvé les lettres très intéressantes d’une dame qui ne faisait rien, sans le raconter à la sainte Vierge. C’était une dame mariée, et elle éprouvait la plus dangereuse passion pour un ami de son mari… Eh bien ! monsieur l’abbé, elle a triomphé, la sainte Vierge lui a répondu, en lui envoyant l’armure de sa chasteté, la force toute divine de résister à son cœur…

Il s’interrompit, pour dire :

— Mais venez donc vous asseoir ici, monsieur l’abbé. Vous verrez comme on est bien !

Pierre alla se mettre près de lui, sur le banc, à gauche, à l’endroit où le rocher s’abaissait. Il y avait là, en effet, un coin de délicieux repos. Et ni l’un ni l’autre ne parlait plus, un profond silence régnait, lorsqu’il entendit, derrière son dos, un murmure indistinct, une légère voix de cristal, qui semblait venir de l’invisible. Il eut un mouvement, que le baron Suire comprit.