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des ex-voto enfantins, des petits souliers fanés, un petit corselet de fer, une béquille de poupée, pareille à un joujou. En bas de l’ogive naturelle où l’apparition s’était produite, à l’endroit où les pèlerins frottaient les chapelets et les médailles qu’ils voulaient consacrer, la roche se trouvait usée et polie. Des millions de lèvres ardentes s’étaient posées là, avec une telle force d’amour, que la pierre s’était calcinée, veinée de noir, d’un brillant de marbre.

Mais il s’arrêta, au fond, devant un creux, dans lequel était un amas considérable de lettres, de papiers de toutes sortes.

— Ah ! j’oubliais ! reprit vivement le baron Suire, voici le plus intéressant. Ce sont les lettres que, journellement, des fidèles jettent dans la Grotte, à travers la grille. Nous les ramassons, nous les mettons là ; et, l’hiver, c’est moi qui m’amuse à les trier… Vous comprenez, on ne peut les brûler sans les ouvrir, car elles contiennent souvent de l’argent, des pièces de dix sous, des pièces de vingt sous, et surtout des timbres-poste.

Il remuait les lettres, en prenait quelques-unes au hasard, montrait les suscriptions, les décachetait pour les lire. Presque toutes étaient de pauvres lettres d’illettrés, dont les adresses : À Notre-Dame de Lourdes, étalaient de grosses écritures irrégulières. Beaucoup contenaient des demandes ou des remerciements, en phrases incorrectes, d’une terrible orthographe ; et rien n’était plus touchant parfois que la nature de ces demandes, un petit frère à sauver, un procès à gagner, un amant à conserver, un mariage à conclure. D’autres lettres se fâchaient, querellaient la sainte Vierge, qui n’avait pas eu la politesse de répondre à une première lettre, en comblant les vœux du signataire. Puis, il y en avait d’autres encore, d’écriture plus fine, de phrases soignées, des confessions, des prières brûlantes, des âmes de femme écrivant à la Reine du Ciel