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Pierre roula le chariot de Marie devant la Grotte, et il l’installa le plus près possible de la grille. Il était minuit passé, une centaine de personnes se trouvaient encore là, quelques-unes assises sur les bancs, la plupart agenouillées, comme anéanties dans la prière. Du dehors, la Grotte flamboyait, braisillante de cierges, pareille à une chapelle ardente, sans qu’on pût y distinguer autre chose que cette poussière d’étoiles, d’où émergeait, dans sa niche, la statue de la Vierge, d’une blancheur de rêve. Les verdures tombantes prenaient un éclat d’émeraude, le millier de béquilles qui tapissaient la voûte ressemblaient à un inextricable lacis de bois mort, près de refleurir. Et la nuit était rendue plus noire par un si vif éclat, les alentours se noyaient d’une ombre épaissie, où rien n’était plus, ni les murs, ni les arbres ; tandis que, seule, montait la voix grondante et continue du Gave, sous le grand ciel ténébreux, alourdi d’une pesanteur d’orage.

— Êtes-vous bien, Marie ? demanda doucement Pierre. N’avez-vous pas froid ?

Elle avait eu un frisson. Mais ce n’était que le petit vent de l’au-delà, qui lui semblait souffler de la Grotte.

— Non, non, je suis si bien ! Mettez seulement le châle sur mes genoux… Et merci, Pierre, ne vous inquiétez pas de moi, je n’ai plus besoin de personne, puisque me voici avec elle…