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— Comme elles sentent bon, Pierre ! Il me semble que nos deux mains unies sont là ainsi qu’un bouquet.

— Oui, elles sentent adorablement bon ; et c’est de vous, Marie, que l’odeur monte à présent, comme si les roses fleurissaient de vos cheveux.

Et ils ne parlèrent plus. La procession défilait toujours, des étincelles vives apparaissaient toujours au tournant de la Basilique, jaillissant de l’obscurité, comme d’une source inépuisable. L’immense coulée des petites flammes en marche, dans son double circuit, rayait l’ombre d’un ruban de braise. Mais, surtout, le spectacle était sur la place du Rosaire, où la tête de la procession, continuant son évolution lente, se repliait sur elle-même, en un cercle de plus en plus étroit, une sorte de tournoiement obstiné, qui achevait d’étourdir les pèlerins, brisés de fatigue, et d’exaspérer leurs chants. Bientôt, la ronde ne fut plus qu’une masse brûlante, un noyau de nébuleuse, autour duquel venait s’enrouler le ruban de braise, dont le bout semblait ne devoir jamais finir ; et le noyau s’élargissait, il y eut une mare, puis un lac. Toute la vaste place du Rosaire se changeait en une mer incendiée roulant ses petits flots étincelants, dans le vertige de ce tourbillon sans fin. Un reflet d’aurore blanchissait la Basilique. Le reste de l’horizon tombait à une obscurité profonde. On ne voyait, à l’écart, que quelques cierges perdus cheminer seuls, ainsi que des lucioles cherchant leur route, à l’aide de leur petite lanterne. Sur le mont du Calvaire, pourtant, une queue vagabonde de la procession devait être montée, car des étoiles voyageaient aussi là-haut, en plein ciel. Enfin, un moment arriva où les derniers cierges parurent, firent le tour des pelouses, coulèrent et se noyèrent dans la mer de flammes. Trente mille cierges y brûlaient, tournant toujours, attisant leur braisillement, sous le grand ciel calme, où pâlissaient les astres. Une nuée lumineuse s’envolait