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le désir de passer, lui aussi, devant la Grotte, la nuit entière. N’était-ce pas qu’il était résolu à tenter un suprême effort de croyance, qu’il allait s’agenouiller comme un petit enfant, en suppliant la Mère toute-puissante de lui rendre la foi perdue ? Maintenant encore, sans qu’ils eussent besoin de parler davantage, leurs mains unies se répétaient ces choses. Ils se promettaient de prier l’un pour l’autre, ils s’oubliaient jusqu’à se perdre l’un dans l’autre, avec un si ardent désir de leur guérison, de leur bonheur mutuel, qu’ils touchèrent là un instant le fond de l’amour qui se donne et qui s’immole. Ce fut une jouissance divine.

— Ah ! murmura Pierre, cette nuit bleue, cet infini d’ombre qui emporte la laideur des gens et des choses, cette paix immense et fraîche, où je voudrais endormir mon doute…

Sa voix s’éteignait. Marie, à son tour, dit très bas :

— Et les roses, ce parfum des roses… Ne les sentez-vous pas, mon ami ? Où sont-elles donc, que vous ne les avez pas vues ?

— Oui, oui, je les sens, mais il n’y a pas de roses. Je les aurais vues certainement, car je les ai bien cherchées.

— Comment pouvez-vous dire qu’il n’y a pas de roses, quand elles embaument l’air autour de nous, et que nous baignons dans leur parfum ? Tenez ! à certaines minutes, ce parfum est si puissant, que je me sens défaillir de joie, à le respirer !… Elles sont là, certainement, innombrables, sous nos pieds.

— Non, je vous le jure, j’ai regardé partout, il n’y a pas de roses. Ou bien il faut qu’elles soient invisibles, qu’elles soient cette herbe même que nous foulons, ces grands arbres qui nous entourent, que leur odeur sorte de la terre, et du torrent voisin, et des bois, et des montagnes.

Ils se turent un instant. Puis, elle reprit de la même voix très basse :