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oui ! un véritable ostensoir, dont le pied serait dessiné par les rampes, la tige par les deux allées parallèles, l’hostie par la pelouse ronde qui les couronne. C’est un ostensoir d’or brûlant, qui flambe au fond des ténèbres, avec un perpétuel scintillement d’étoiles en marche. Il n’y a que lui, il est gigantesque et souverain… En vérité, je n’ai jamais rien vu de si extraordinaire !

Il agitait les bras, il était hors de lui, débordant d’une émotion d’artiste.

— Petit père, dit Marie tendrement, puisque te voilà, tu devrais bien aller te coucher. Il est près de onze heures, et tu sais que tu dois partir à trois heures du matin.

Elle ajouta, pour le décider :

— Cela me cause tant de plaisir, que tu fasses cette excursion !… Seulement, sois de retour de bonne heure, demain soir, parce que tu verras, tu verras…

Et elle n’osa pas affirmer la certitude qu’elle avait de guérir.

— Tu as raison, je vais aller me mettre au lit, dit M. de Guersaint, calmé. Puisque Pierre est avec toi, je n’ai pas d’inquiétude.

— Mais, s’écria-t-elle, je ne veux pas que Pierre passe la nuit. Quand il m’aura conduite à la Grotte, tout à l’heure, il te rejoindra… Moi, je n’aurai plus besoin de personne, le premier brancardier venu me ramènera bien à l’Hôpital, demain matin.

Pierre se taisait. Puis, simplement :

— Non, non, Marie, je reste… Je passerai, comme vous, la nuit à la Grotte.

Elle ouvrit la bouche, pour insister, pour se fâcher. Mais il avait dit cela si doucement, elle venait d’y sentir une soif si douloureuse de bonheur, qu’elle garda le silence, remuée jusqu’au fond de l’âme.

— Enfin, mes enfants, reprit le père, arrangez-vous,