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— Ne bougez pas, attendez-moi sous ces arbres. Je vous raconterai ce que j’aurai vu de là-haut.

Pierre et Marie restèrent seuls, dans ce coin d’obscure solitude, où s’exhalait le parfum des roses, sans qu’il y eût une seule rose aux alentours. Et ils ne parlèrent pas, ils regardèrent la procession qui descendait, d’un glissement doux et continu.

C’était comme une double haie d’étoiles tremblantes, qui, surgissant du coin gauche de la Basilique, suivait maintenant la rampe monumentale, dont elle dessinait la rondeur. À cette distance, on continuait à ne pas voir les pèlerins qui portaient les cierges, et il n’y avait là que des feux en voyage, disciplinés, traçant dans l’ombre des lignes correctes. Les monuments eux-mêmes, sous la nuit bleue, restaient vagues, à peine indiqués par un épaississement des ténèbres. Mais, peu à peu, à mesure que grandissait le nombre des cierges, des lignes architecturales s’éclairaient, les arêtes élancées de la Basilique, les arches cyclopéennes des rampes, la façade lourde et écrasée du Rosaire. Avec ce fleuve ininterrompu de vives étincelles qui coulait, coulait sans hâte, de l’air obstiné du flot débordé que rien ne barre, arrivait comme une aurore, une nuée lumineuse naissante et envahissante, qui allait finir par baigner tout l’horizon de sa gloire.

— Voyez donc, voyez donc, Pierre ! répétait Marie, prise d’une joie enfantine. Ça ne cesse pas, il y en a toujours !

Et, en effet, là-haut, l’apparition brusque des petites clartés continuait avec une régularité mécanique, comme si quelque céleste source inépuisable eût ainsi déversé cette poussière de soleil. La tête de la procession venait d’atteindre les jardins, à la hauteur de la Vierge couronnée ; de sorte que la double ligne de flammes ne dessinait encore que la courbe des toitures du Rosaire et celle de la grande rampe d’accès. Mais l’approche de la