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elle permettrait de voir descendre la procession par la rampe de gauche, et de la suivre, jusqu’au pont neuf, le long des pelouses, dans son double mouvement parallèle d’aller et de retour. Puis, le voisinage du Gave donnait aux feuillages une fraîcheur exquise. Personne n’était là, on y jouissait d’une paix infinie, dans l’ombre épaisse des grands platanes qui bordaient l’allée.

M. de Guersaint se haussait sur la pointe des pieds, impatient de voir reparaître les premiers cierges, au tournant de la Basilique.

— Rien ne se montre encore, murmurait-il. Ah ! tant pis, je vais m’asseoir un instant sur l’herbe. J’ai les jambes rompues.

Et il s’inquiéta de sa fille.

— Veux-tu que je te couvre ? Il fait très frais par ici.

— Oh ! non, père, je n’ai pas froid. Je suis si heureuse ! Voici bien longtemps que je n’avais respiré un si bon air… Il doit y avoir des roses, ne sens-tu pas ce parfum délicieux ?

Puis, se tournant vers Pierre :

— Mon ami, où sont-elles donc, ces roses ? est-ce que vous les voyez ?

Lorsque M. de Guersaint se fut assis près du chariot, Pierre eut l’idée de chercher si quelque corbeille de rosiers ne se trouvait pas par là. Mais, vainement, il fouilla les pelouses obscures, il ne distingua que des massifs de plantes vertes. Et, comme, en revenant, il passait devant l’Abri des pèlerins, la curiosité le fit entrer.

C’était une grande salle, très haute de plafond, que, des deux côtés, de larges fenêtres éclairaient. Dallée de pierre, les murs nus, elle n’avait d’autres meubles que des bancs, poussés au hasard, dans tous les sens. Pas une table, pas une planche ; de sorte que les pèlerins sans asile, forcés de se réfugier là, avaient empilé leurs paniers, leurs