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En effet, la cohue des simples curieux les avait murés. Il fallut que Pierre s’ouvrît un passage, avec une obstination lente, en implorant un peu de place, pour une malade ; et Marie se retournait, tâchait d’apercevoir encore, devant la Grotte, la nappe de flammes, le lac aux petits flots étincelants, d’où coulait à l’infini la procession, sans qu’il parût s’épuiser ; tandis que M. de Guersaint fermait la marche, en protégeant le chariot contre les poussées de la foule.

Enfin, ils se trouvèrent tous les trois à l’écart, hors du monde. C’était près d’une des arches, dans un endroit désert, où ils purent respirer un instant. On n’entendait plus que la complainte lointaine, à l’entêté refrain ; et l’on ne voyait que le reflet des cierges, en une sorte de nuée lumineuse, flottant du côté de la Basilique.

— La meilleure place, déclara M. de Guersaint, ce serait de monter au Calvaire. Une servante de l’hôtel me l’a dit encore ce matin. Il paraît que, de là-haut, la vue est féerique.

Mais il n’y fallait pas songer. Pierre insista sur les difficultés.

— Comment voulez-vous nous hisser à cette hauteur, avec le chariot ? Puis, il faudrait redescendre, ce serait très dangereux, en pleine nuit, au milieu des bousculades.

Marie elle-même préférait rester dans les jardins, sous les arbres, où il faisait si doux. Et ils repartirent, débouchèrent sur l’Esplanade, en face de la grande Vierge couronnée. Elle était illuminée, à l’aide de verres de couleur, qui la mettaient dans une gloire de fête foraine, avec une auréole de lampions bleus et jaunes. Malgré sa dévotion, M. de Guersaint trouva cela d’un goût exécrable.

— Tenez ! dit Marie, près de ce massif, nous serions très bien.

Elle indiquait une touffe d’arbrisseaux, à côté de l’Abri des pèlerins ; et la place, en effet, était excellente, car