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arbres, éclairés par-dessous, étaient d’une verdure intense, pareils aux arbres peints, tels qu’ils sont dans les décors. Des bannières, au-dessus du brasier mouvant, demeuraient immobiles, violemment distinctes, avec leurs saints brodés et leurs cordons de soie. Et le grand reflet montait le long du rocher, jusqu’à la Basilique, dont la flèche, à présent, apparaissait toute blanche, sur le ciel noir ; tandis que, de l’autre côté du Gave, les coteaux s’éclairaient eux aussi, montrant les façades claires des couvents, au milieu des feuillages sombres.

Il y eut encore un moment d’incertitude. Le lac flamboyant, dont chaque mèche ardente était un petit flot, roulait son pétillement d’astres, semblait près de se rompre, pour s’écouler en fleuve. Et les bannières oscillèrent, un mouvement s’indiqua.

— Tiens ! s’écria M. de Guersaint, ils ne passent donc pas par ici ?

Alors, Pierre, au courant, expliqua que la procession montait d’abord par le chemin en lacets, établi à grands frais dans le coteau boisé. Puis, elle tournait derrière la Basilique, avant de redescendre par la rampe de droite et de se développer au travers des jardins.

— Regardez, on voit les premiers cierges qui montent, parmi les verdures.

Ce fut un enchantement. De petites lumières tremblantes se détachaient du vaste foyer, s’élevaient doucement, d’un vol délicat, sans qu’on pût rien distinguer qui les tînt à la terre. Cela se mouvait comme de la poussière de soleil, dans les ténèbres. Bientôt, il y en eut une raie oblique ; puis, la raie se replia, d’un coude brusque, et une nouvelle raie s’indiqua, qui tourna à son tour. Enfin, tout le coteau fut sillonné d’un zigzag de flamme, pareil à ces coups de foudre qu’on voit tomber du ciel noir, dans les images. Mais la trace lumineuse ne s’effaçait pas, toujours les petites lumières marchaient