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par-dessus la mer houleuse des têtes, que la Grotte braisillante, jetant une vive lueur de forge. Un grand bourdonnement montait, des souffles passaient, qui, seuls, donnaient la sensation des milliers d’êtres serrés, étouffés, perdus au fond de l’ombre, refluant comme une nappe vivante, sans cesse élargie. Il y en avait sous les arbres, au delà de la Grotte, dans des enfoncements de ténèbres, qu’on ne soupçonnait point. Enfin, cela commença par quelques cierges, çà et là, qui brillèrent : on aurait dit des étincelles brusques, trouant l’obscurité, au hasard. Le nombre s’en accrut rapidement ; des îlots d’étoiles se formèrent ; tandis que, sur d’autres points, des traînées, des voies lactées coulaient, au milieu des constellations. C’étaient les trente mille cierges qui s’allumaient un à un, de proche en proche, éteignant la vive lueur de la Grotte, roulant d’un bout à l’autre de la promenade les petites flammes jaunes d’un brasier immense.

— Oh ! Pierre, que c’est beau ! murmura Marie. On dirait la résurrection des humbles, des petites âmes pauvres qui se réveillent et qui brillent.

— Superbe ! superbe ! répétait M. de Guersaint, dans un élan de satisfaction artistique. Regardez donc, là-bas, ces deux ligues qui se coupent et qui forment une croix.

Mais Pierre restait touché par ce que Marie venait de dire. C’était bien cela, des flammes grêles, à peine des points lumineux, d’une modestie de menu peuple, et dont le grand nombre faisait l’éclat, un resplendissement de soleil. Il en naissait continuellement de nouvelles, plus lointaines et comme égarées.

— Ah ! murmura-t-il, celle-là qui est apparue toute seule, au loin, si vacillante… La voyez-vous, Marie, comme elle flotte et comme elle vient lentement se perdre dans le grand lac de feu.

On y voyait maintenant aussi clair qu’en plein jour. Les