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un coin de caquetage mondain, avec des rires frais de jeunesse.

— Non, non ! répétait madame Désagneaux, nous n’allons bien sûr pas visiter votre popote comme ça, au moment où tous vos camarades mangent !

Gérard insistait, très galant, se tournant surtout vers Raymonde, dont la face un peu épaisse s’éclairait, ce jour-là, d’un charme rayonnant de santé.

— Mais je vous assure, c’est très curieux à voir, vous seriez admirablement reçues… Mademoiselle, vous pouvez vous confier à moi ; et, d’ailleurs, nous trouverions là certainement mon cousin Berthaud, qui serait enchanté de vous faire les honneurs de notre installation.

Raymonde souriait, disait de ses yeux vifs qu’elle voulait bien. Et ce fut alors que Pierre et M. de Guersaint s’approchèrent, pour saluer ces dames. Tout de suite, ils furent mis au courant. On nommait « la popote » une sorte de restaurant, de table d’hôte, que les membres de l’Hospitalité de Notre-Dame de Salut, les brancardiers, les hospitaliers de la Grotte, des piscines et des hôpitaux, avaient fondée, pour manger en commun, à bon marché. Comme beaucoup d’entre eux n’étaient pas riches, l’Hospitalité se recrutant dans toutes les classes, ils étaient parvenus, en versant chacun trois francs par jour, à faire trois bons repas ; et il leur restait même de la nourriture, qu’ils distribuaient aux pauvres. Mais ils administraient tout eux-mêmes, achetaient les provisions, recrutaient un cuisinier, des aides, ne reculaient pas devant la nécessité de donner en personne un coup de main, pour la bonne tenue du local.

— Ça doit être très intéressant ! s’écria M. de Guersaint. Allons donc voir ça, si nous ne sommes pas de trop !

La petite madame Désagneaux, dès lors, consentit.

— Ah ! du moment qu’on y va en bande, je veux bien ! Je craignais que ce ne fût pas convenable.