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le petit Gustave allongé sur le canapé, qui lui servait de lit. Il était livide, il venait d’avoir un évanouissement, qui avait fait croire un instant au père et à la mère que c’était la fin. Madame Vigneron, affaissée sur une chaise, restait hébétée de la peur qu’elle avait eue ; tandis que, lancé par la chambre, M. Vigneron bousculait tout, en préparant un verre d’eau sucrée, dans lequel il versait des gouttes d’un élixir. Mais comprenait-on cela ? Un garçon encore très fort, s’évanouir de la sorte, devenir blanc comme un poulet ! Et il regardait madame Chaise, la tante, debout devant le canapé, l’air bien portant, ce matin-là ; et ses mains tremblaient davantage, à l’idée sourde que, si cette bête de crise avait emporté son fils, l’héritage de la tante, à cette heure, n’aurait plus été a eux. Il était hors de lui, il desserra les dents de l’enfant, lui fit boire de force tout le verre. Pourtant, lorsqu’il l’entendit soupirer, sa bonhomie paternelle reparut, il pleura, l’appela son petit homme. Alors, madame Chaise s’étant approchée, Gustave la repoussa, d’un geste de haine brusque, comme s’il avait compris la perversion inconsciente où l’argent de cette femme jetait ses parents. Blessée, la vieille dame s’assit à l’écart, pendant que le père et la mère, maintenant rassurés, remerciaient la sainte Vierge de leur avoir conservé ce mignon, qui leur souriait de son sourire fin et si triste, sachant les choses, n’ayant plus, à quinze ans, le goût de vivre.

— Pouvons-nous vous être utiles ? demanda Pierre obligeamment.

— Non, non, merci bien, messieurs, répondit M. Vigneron, qui sortit un instant dans le couloir. Oh ! nous avons eu une alerte ! Songez donc, un fils unique, et qui nous est si cher !

Autour d’eux, l’heure du déjeuner mettait en branle la maison entière. Toutes les portes tapaient, les couloirs et l’escalier résonnaient de continuelles cavalcades. Trois