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permission de passer la nuit suivante devant la Grotte : c’était une faveur, souhaitée ardemment de toutes, qu’on accordait avec quelque peine, aux seules protégées. Après s’être récrié, inquiet pour sa santé d’une nuit entière à la belle étoile, il dut lui promettre de faire la démarche, en la voyant subitement très malheureuse. Sans doute, elle n’espérait se faire entendre de la sainte Vierge que seule à seule, dans la paix souveraine des ténèbres. Et, ce matin-là, à la Grotte, lorsque tous les trois y eurent entendu une messe, elle se trouva si perdue parmi les malades, qu’elle voulut être ramenée à l’Hôpital dès dix heures, en se plaignant d’avoir les yeux fatigués par le grand jour.

Quand son père et le prêtre l’eurent réinstallée dans la salle Sainte-Honorine, elle leur donna congé pour la journée entière.

— Non, ne venez pas me chercher, je ne retournerai pas à la Grotte cette après-midi, c’est inutile… Mais, ce soir, dès neuf heures, vous serez là pour m’emmener, n’est-ce pas, Pierre ? C’est convenu, vous m’avez donné votre parole.

Il répéta qu’il tâcherait d’obtenir la permission, qu’il s’adresserait au père Fourcade, s’il le fallait.

— Alors, mignonne, à ce soir, dit à son tour M. de Guersaint en l’embrassant.

Et ils la laissèrent très tranquille dans son lit, l’air absorbé, avec ses grands yeux rêveurs et souriants, perdus au loin.

Lorsqu’ils rentrèrent à l’hôtel des Apparitions, il n’était pas dix heures et demie. M. de Guersaint, que le beau temps ravissait, parla de déjeuner tout de suite, pour se lancer le plus tôt possible au travers de Lourdes. Mais il tint cependant à remonter dans sa chambre ; et, comme Pierre l’avait suivi, ils tombèrent au milieu d’un drame. La porte des Vigneron était grande ouverte, on apercevait