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qui devait communier le matin au Rosaire, affamée du pain de vie ; et madame Vêtu, muette, venait de recevoir l’hostie sur sa langue noire, dans un hoquet. Maintenant, Marie était là, sous la lueur pâle des flambeaux, si belle parmi ses cheveux blonds, avec ses yeux élargis, ses traits transfigurés par la foi, que tous l’admirèrent. Elle communia éperdument, le ciel descendait visiblement en elle, dans son pauvre corps de jeunesse, réduit à une telle misère physique. Un instant encore, elle retint Pierre par la main.

— Oh ! mon ami, elle me guérira, elle vient de me le dire… Allez vous reposer. Moi je vais dormir d’un si bon sommeil !

Lorsqu’il se retira avec l’abbé Judaine, Pierre aperçut le petite madame Désagneaux, dans le fauteuil où la fatigue l’avait comme foudroyée. Rien n’avait pu la réveiller. Il était une heure et demie du matin. Et madame de Jonquière, aidée de sœur Hyacinthe, allait toujours, retournait les malades, les nettoyait, les pansait. Mais la salle se calmait cependant, tombait à une lourdeur obscure plus douce, depuis que Bernadette y avait passé, avec son charme. La petite ombre de la voyante errait à présent parmi les lits, triomphale, ayant fait son œuvre, apportant un peu du ciel à chaque déshéritée, à chaque désespérée de cette terre ; et, pendant que toutes glissaient au sommeil, elles la voyaient qui se penchait, elle si chétive, si malade aussi, et qui les baisait en souriant.