Déjà, l’abbé Judaine avait posé le ciboire sur une petite table, entre deux flambeaux allumés, deux étoiles tristes dans la demi-obscurité de la salle. On venait de se décider à ouvrir toutes grandes les fenêtres, tellement l’odeur de ces corps souffrants et de ces loques entassées était devenue insupportable ; mais il n’entrait aucun air, la cour étroite, pleine de nuit, ressemblait à un puits embrasé. Pierre s’offrit comme servant, et il récita le Confiteor. Puis, l’aumônier, en aube, après avoir dit le Misereatur et l’Indulgentiam, éleva le ciboire : « Voici l’Agneau de Dieu qui efface les péchés du monde. » Chacune des femmes qui attendaient impatiemment la communion, tordues de maux, comme le moribond attend la vie d’une potion nouvelle, lente à venir, répétait par trois fois cet acte d’humilité, à bouche fermée : « Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez chez moi, mais dites seulement une parole, et mon âme sera guérie. » L’abbé Judaine avait commencé à faire le tour des lits lamentables, suivi de Pierre, tandis que madame de Jonquière et sœur Hyacinthe les accompagnaient, chacune un flambeau à la main. La sœur désignait celles des malades qui devaient communier ; et le prêtre se penchait, déposait l’hostie sur la langue, un peu au hasard, en murmurant les paroles latines. Toutes se soulevaient, les yeux grands ouverts et luisants, au milieu du désordre de l’installation trop prompte. Il fallut pourtant en réveiller deux qui s’étaient profondément endormies. Beaucoup geignaient sans en avoir conscience, recommençaient à geindre après avoir reçu Dieu. Au fond de la salle, le râle de celle qu’on ne voyait pas, continuait. Et rien n’était plus mélancolique que le petit cortège dans les demi-ténèbres, étoilées par les deux taches jaunes des cierges.
Mais ce fut une apparition divine que le visage de Marie, rendue à l’extase. On avait refusé la communion à la Grivotte,