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voir l’enfant bénie, l’élue de la Reine des Anges, qui devenait si belle, lorsque les cieux s’ouvraient à ses yeux ravis. Chaque matin, la foule augmentait, au bord du Gave ; et des milliers de personnes finissaient par s’installer là, en se bousculant pour ne rien perdre du spectacle. Dès que Bernadette paraissait, un murmure de ferveur courait : « Voici la sainte, la sainte, la sainte ! » On se précipitait, on baisait ses vêtements. C’était le Messie, l’éternel Messie que les peuples attendent, dont le besoin renaît sans cesse, au travers des générations. Toujours la même aventure recommençait : une apparition de la Vierge à une bergère, une voix qui exhortait le monde à la pénitence, une source qui jaillissait, des miracles qui étonnaient et ravissaient les foules accourues, de plus en plus énormes.

Ah ! ces premiers miracles de Lourdes, quelle floraison printanière de consolation, au cœur des misérables que dévoraient la pauvreté et la maladie ! L’œil guéri du vieux Bouriette, l’enfant Bouhohorts ressuscité dans l’eau glacée, des sourds qui entendaient, des boiteux qui marchaient, et tant d’autres, Blaise Maumus, Bernade Soubies, Auguste Bordes, Blaisette Soupenne, Benoite Cazeaux, sauvés des pires souffrances, devenaient les sujets de conversations sans fin, exaltaient l’espoir de tous ceux qui souffraient dans leur âme ou dans leur chair. Le jeudi, 4 mars, dernier jour des quinze visites demandées par la Vierge, il y avait plus de vingt mille personnes devant la Grotte, la montagne entière était descendue. Et cette foule immense trouvait là ce dont elle était affamée, l’aliment du divin, le festin du merveilleux, assez d’impossible pour contenter sa croyance à une puissance supérieure daignant s’occuper des pauvres hommes, intervenant d’une façon retentissante dans les lamentables affaires d’ici-bas, afin d’y rétablir un peu de justice et de bonté. Le cri de charité céleste éclatait, la