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avait perdu connaissance. Dès qu’elle ouvrait la bouche, une odeur épouvantable, une pestilence à faire tourner les cœurs, s’exhalait.

— Ce n’est plus possible, murmura madame de Jonquière qui se sentait défaillir, il faut donner un peu d’air.

Sœur Hyacinthe achevait de recoucher la Grivotte sur ses oreillers.

— Certainement, ouvrons pour quelques minutes. Mais pas de ce côté-ci, j’aurais peur d’un nouvel accès de toux… Ouvrez de votre côté.

La chaleur augmentait toujours, on étouffait, au milieu de l’air lourd et nauséabond ; et ce fut un soulagement que le peu d’air pur qui entra. Pendant un moment, il y eut d’autres soins, tout un nettoyage : la sœur remuait les vases, les bassins, dont elle jeta par la portière le contenu ; tandis que la dame hospitalière, avec une éponge, essuyait le plancher que la trépidation secouait durement. Il fallut tout ranger. Ce fut ensuite un nouveau souci, la quatrième malade, celle qui n’avait pas bougé encore, une fille mince dont le visage était enveloppé dans un fichu noir, disait qu’elle avait faim.

Déjà, madame de Jonquière s’offrait, avec son tranquille dévouement.

— Ne vous en inquiétez pas, ma sœur. Je vais lui couper son pain en petits morceaux.

Marie, dans son besoin de distraction, s’était intéressée à cette figure immobile, ainsi cachée sous ce voile noir. Elle soupçonnait bien quelque plaie à la face. On lui avait dit simplement que c’était une bonne. La malheureuse, une Picarde du nom d’Élise Rouquet, avait dû quitter sa place et vivait, à Paris, chez une sœur qui la rudoyait, aucun hôpital n’ayant voulu la prendre, car elle n’était pas autrement malade. D’une grande dévotion, elle avait, depuis des mois, l’ardent désir d’aller à Lourdes.