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eau froide qui nous paraît imbécile et barbare… Ah ! ce que nous ignorons, ce que nous ignorons…

Il retombait à sa colère, à sa haine de la science, qu’il méprisait, depuis qu’elle l’avait laissé effaré et impuissant, devant l’agonie de sa femme et de sa fille.

— Vous demandez des certitudes, ce n’est sûrement pas la médecine qui vous les donnera… Écoutez un instant ces messieurs et soyez édifié. N’est-ce pas beau, une si parfaite confusion, où tous les avis se heurtent ? Certes, il est des maladies que l’on connaît admirablement, jusque dans les plus petites phases de leur évolution ; il est des remèdes dont on a étudié les effets avec le soin le plus scrupuleux ; mais ce qu’on ne sait pas, ce qu’on ne peut savoir, c’est la relation du remède au malade, car autant de malades, autant de cas, et chaque fois l’expérience recommence. Voilà pourquoi la médecine reste un art, parce qu’elle ne saurait avoir une rigueur expérimentale : toujours la guérison dépend d’une circonstance heureuse, de la trouvaille de génie du médecin… Et, alors, comprenez donc que les gens qui viennent discuter ici me font rire, quand ils parlent au nom des lois absolues de la science. Où sont-elles ces lois, en médecine ? Qu’on me les montre !

Il voulut n’en pas dire davantage. Mais sa passion l’emporta.

— Je vous ai dit que j’étais devenu croyant… Seulement, en vérité, je comprends très bien que ce brave docteur Bonamy ne s’émeuve guère et qu’il appelle les médecins du monde entier pour étudier ses miracles. Plus il y aurait de médecins, moins la vérité se ferait, au milieu de la bataille des diagnostics et des méthodes de traitement. Si l’on ne s’entend pas sur une plaie apparente, ce n’est pas pour s’entendre sur une lésion intérieure, que les uns nient, quand les autres l’affirment. Et pourquoi, dès lors, tout ne deviendrait-il pas miracle ?