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— Oh ! ces piscines que je viens de voir ! dit le jeune prêtre, ces piscines dont on renouvelle l’eau si rarement ! Quelle saleté, quel bouillon de microbes !… La manie, la fureur de précautions antiseptiques où nous sommes, reçoit là un fameux soufflet. Comment se fait-il qu’une même peste n’emporte pas tous ces malades ? Les adversaires de la théorie microbienne doivent bien rire.

Le docteur l’arrêta.

— Mais non, mon enfant… Si les bains ne sont guère propres, ils n’offrent aucun danger. Remarquez que l’eau ne monte pas au-dessus de dix degrés, et il en faut vingt-cinq pour la culture des germes. Puis, les maladies contagieuses ne viennent guère à Lourdes, ni le choléra, ni le typhus, ni la variole, ni la rougeole, ni la scarlatine. Nous ne voyons ici que certaines maladies organiques, les paralysies, la scrofule, les tumeurs, les ulcères, les abcès, le cancer, la phtisie ; et cette dernière n’est pas transmissible par l’eau des bains. Les vieilles plaies qu’on y trempe, ne craignent rien et n’offrent aucun risque de contagion… Je vous assure que, sur ce point, la sainte Vierge n’a pas même besoin d’intervenir.

— Alors, docteur, autrefois, dans votre service, vous auriez ainsi fait tremper tous vos malades dans l’eau glacée, les femmes à n’importe quelle époque du mois, les rhumatisants, les cardiaques, les phtisiques ?… Cette malheureuse fille, à demi morte, en sueur, vous l’auriez baignée ?

— Certainement non !… Il y a des moyens héroïques que, couramment, on n’ose pas. Un bain glacé peut à coup sûr tuer un phtisique ; mais savons-nous si, dans de certaines circonstances, il ne peut pas le sauver ?… Moi qui ai fini par admettre qu’un pouvoir surnaturel agissait ici, je conviens très volontiers que des guérisons doivent se produire naturellement, grâce à cette immersion dans l’