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le dossier sous le registre qu’il gardait grand ouvert devant lui. Il contenait jusqu’à trois certificats de médecin, dont lui-même donna lecture. Tous les trois, du reste, concluaient à une phtisie avancée, que des accidents nerveux compliquaient et rendaient particulière.

Le docteur Bonamy eut un geste, pour dire qu’un tel ensemble ne laissait aucun doute. Puis, il ausculta longuement la malade. Et il murmurait :

— Je n’entends rien…, je n’entends rien…

Il se reprit.

— Ou presque rien.

Ensuite, il se tourna vers les vingt-cinq à trente médecins qui se tenaient là, silencieux.

— Messieurs, si quelques-uns d’entre vous veulent bien me prêter leurs lumières… Nous sommes ici pour étudier et discuter.

D’abord, pas un ne remua. Puis, il y en eut un qui osa se risquer. Il ausculta à son tour la jeune femme ; mais il ne se prononçait pas, réfléchissait, avait un branle soucieux de la tête. Finalement, il bégaya que, pour lui, il fallait rester dans l’expectative. Mais un autre, tout de suite, le remplaça, et celui-ci fut catégorique : il n’entendait rien du tout, jamais cette femme-là n’avait été phtisique. D’autres encore le suivirent, tous finirent par défiler, excepté cinq ou six qui gardaient une attitude fermée, finement souriante. Et la confusion fut à son comble, car chacun donnait son avis, sensiblement différent ; de sorte que, dans le brouhaha des voix, on ne s’entendait même plus parler. Seul, le père Dargelès montrait un calme d’absolue sérénité, car il avait flairé un de ces cas qui passionnent et qui sont la gloire de Notre-Dame de Lourdes. Déjà, il prenait des notes sur un coin de la table.

Alors, à l’écart, grâce à l’éclat des voix, Pierre et le docteur Chassaigne purent causer sans être entendus.