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Bonamy engageait Élise Rouquet à continuer les lotions et à revenir chaque jour se faire examiner. Puis, il répéta, de son air prudent et affable :

— Enfin, messieurs, il y a un commencement, ce n’est pas douteux.

Mais le bureau fut bouleversé. La Grivotte venait d’entrer en coup de vent, d’une allure dansante, criant à voix pleine :

— Je suis guérie… Je suis guérie…

Et elle racontait qu’on ne voulait d’abord pas la baigner, qu’elle avait dû insister, supplier, sangloter, pour qu’on se décidât à le faire, sur une permission formelle du père Fourcade. Et elle l’avait bien dit à l’avance : elle n’était pas plongée dans l’eau glacée, depuis trois minutes, toute suante, avec son enrouement de phtisique, qu’elle avait senti les forces lui revenir, comme dans un grand coup de fouet qui lui cinglait tout le corps. Une exaltation, une flamme l’agitait, piétinante et radieuse, ne pouvant tenir en place.

— Je suis guérie, mes bons messieurs… Je suis guérie…

Stupéfait cette fois, Pierre la regardait. Était-ce donc cette fille que, la nuit dernière, il avait vue anéantie sur la banquette du wagon, toussant et crachant le sang, la face terreuse ? Il ne la reconnaissait pas, droite, élancée, les joues en feu, les yeux étincelants, avec toute une volonté et une joie de vivre qui la soulevaient.

— Messieurs, déclara le docteur Bonamy, le cas me paraît très intéressant… Nous allons voir…

Il demanda le dossier de la Grivotte. Mais, parmi l’entassement des paperasses sur les deux tables, on ne le trouvait pas. Les secrétaires, les jeunes séminaristes fouillaient tout ; et il fallut que le chef du service des piscines, assis au milieu, se levât, allât regarder dans le casier. Enfin, lorsqu’il eut repris sa chaise, il découvrit