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davantage. Mais le docteur Bonamy répondit vivement que, si la sainte Vierge avait laissé une cicatrice, c’était sûrement pour qu’il existât une trace, une preuve du miracle. Il entrait dans des détails techniques, démontrait qu’un fragment d’os et de la chair avaient dû être refaits instantanément, ce qui restait inexplicable par les voies naturelles.

— Mon Dieu ! interrompit le petit monsieur blond, il n’y a pas besoin de tant d’affaires ! Qu’on me montre seulement un doigt entaillé d’un coup de canif et qui sorte cicatrisé de l’eau : le miracle sera aussi grand, je m’inclinerai.

Puis, il ajouta :

— Si j’avais, moi, une source qui refermât ainsi les plaies, je voudrais bouleverser le monde. Je ne sais pas comment, mais j’appellerais les peuples, et les peuples viendraient. Je ferais constater les miracles avec une telle évidence, que je serais le maître de la terre. Songez donc à cette puissance souveraine, toute divine !… Mais il faudrait que pas un doute ne restât, il faudrait une vérité aussi éclatante que le soleil. La terre entière verrait et croirait.

Et il discuta les moyens de contrôle avec le docteur. Il avait admis que tous les malades ne pouvaient être examinés à l’arrivée. Seulement, pourquoi ne créait-on pas, à l’Hôpital, une salle particulière, réservée aux plaies apparentes ? On aurait là une trentaine de sujets au plus, qu’on soumettrait à l’examen préalable d’une commission. Des procès-verbaux de constat seraient dressés, on photographierait même les plaies. Ensuite, si une guérison venait à se produire, la commission n’aurait qu’à la constater, dans un nouveau procès-verbal. Et là il ne s’agirait plus d’une maladie interne, dont le diagnostic est difficile, toujours discutable. L’évidence se ferait.

Un peu embarrassé, le docteur Bonamy répétait :