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avoir bien prié la sainte Vierge, je suis allée tremper mon pied dans l’eau, avec une si bonne envie de guérir, que je n’ai pas même pris le temps d’enlever le linge… Et, alors, tout est resté dans l’eau, mon pied n’avait plus rien du tout, quand je l’ai sorti.

Le docteur Bonamy approuvait chaque mot, d’un branle de la tête.

— Et, Sophie, répétez-nous le mot de votre médecin.

— Chez nous, quand monsieur Rivoire a vu mon pied, il a dit : « Que ce soit le bon Dieu ou le diable qui ait guéri cette enfant, ça m’est égal ; mais la vérité est qu’elle est guérie. »

Des rires éclatèrent, le mot était d’un effet sûr.

— Et, Sophie, votre mot à madame la comtesse, la directrice de votre salle.

— Ah ! oui… Je n’avais pas emporté beaucoup de linge, pour mon pied ; et je lui ai dit : « La sainte Vierge a été bien bonne de me guérir le premier jour, car le lendemain ma provision allait être épuisée. »

Il y eut de nouveaux rires, une satisfaction générale, à la voir si gentille, récitant un peu trop son histoire, qu’elle savait par cœur, mais très touchante et l’air véridique.

— Sophie, ôtez votre soulier, montrez votre pied à ces messieurs… Il faut qu’on touche, il faut que personne ne puisse douter.

Lestement, le petit pied apparut, très blanc, très propre, même soigné, avec la cicatrice au-dessous de la cheville, une longue cicatrice dont la couture blanchâtre témoignait de la gravité du mal. Quelques médecins s’étaient approchés, regardaient en silence. D’autres, qui avaient leur conviction faite sans doute, ne se dérangèrent pas. Un des premiers, d’un air très poli, demanda pourquoi la sainte Vierge, pendant qu’elle y était, n’avait pas refait un pied tout neuf, ce qui ne lui aurait pas coûté