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Cependant, il montrait quelque impatience, car il aurait voulu servir au monsieur de Paris un beau cas, comme il s’en produisait parfois pendant cette procession de quatre heures, qui était l’heure de grâce et d’exaltation, où la sainte Vierge intercédait pour ses élues. Jusque-là, les guérisons qui avaient défilé, restaient douteuses et sans intérêt. Et, au dehors, on entendait le piétinement, le grondement de la foule, fouettée de cantiques, enfiévrée par le besoin du miracle, s’énervant de plus en plus dans l’attente.

Mais une fillette poussa la porte, souriante et modeste, avec des yeux clairs, luisant d’intelligence.

— Ah ! cria joyeusement le docteur, voici notre petite amie Sophie… Une guérison remarquable, messieurs, qui s’est produite à pareille époque, l’année dernière, et dont je demande la permission de vous montrer les résultats.

Pierre avait reconnu Sophie Couteau, la miraculée qui était montée dans son compartiment, à Poitiers. Et il assista à une répétition de la scène déjà jouée devant lui. Le docteur Bonamy donnait maintenant les explications les plus précises au petit monsieur blond, très attentif : une carie des os du talon gauche, un commencement de nécrose qui nécessitait la résection, une plaie affreuse, suppurante, guérie en une minute, à la première immersion dans la piscine.

— Sophie, racontez à monsieur.

La fillette eut son geste gentil, qui commandait l’attention.

— Alors, comme ça, mon pied était perdu, je ne pouvais seulement plus me rendre à l’église, et il fallait toujours l’envelopper dans du linge, parce qu’il coulait des choses qui n’étaient guère propres… Monsieur Rivoire, le médecin, qui avait fait une coupure, pour voir dedans, disait qu’il serait forcé d’enlever un morceau de l’os, ce qui m’aurait bien sûr rendue boiteuse… Et, alors, après