Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/196

Cette page n’a pas encore été corrigée

tout se basait sur le dossier apporté par le malade, il aurait fallu un contrôle très soigneux des documents, car tout croulait, dès qu’une critique sévère n’avait pas établi l’absolue certitude des faits.

Très rouge, suant, le docteur Bonamy se démenait.

— Mais c’est ce que nous faisons, c’est ce que nous faisons !… Dès qu’un cas de guérison nous paraît inexplicable par les voies naturelles, nous procédons à une enquête minutieuse, nous prions la personne guérie de revenir se faire examiner… Et vous voyez bien que nous nous entourons de toutes les lumières. Ces messieurs qui nous écoutent sont presque tous des médecins, accourus des points les plus opposés de la France. Nous les conjurons de nous dire leurs doutes, de discuter les cas avec nous, et un procès-verbal très détaillé est dressé de chaque séance… Vous entendez, messieurs, protestez, si quelque chose ici blessait en vous la vérité.

Pas un des assistants ne bougea. Le plus grand nombre des médecins présents, qui devaient être des catholiques, s’inclinaient, naturellement. Et quant aux autres, les incrédules, les savants purs, ils regardaient, s’intéressaient à certains phénomènes, évitaient par courtoisie d’entrer dans des discussions, inutiles d’ailleurs ; puis, ils s’en allaient, quand leur malaise d’hommes raisonnables devenait trop grand, et qu’ils se sentaient près de se fâcher.

Alors, personne ne soufflant mot, le docteur Bonamy triompha. Et, comme le journaliste lui demandait s’il était seul, pour un si gros travail :

— Absolument seul. Ma fonction de médecin de la Grotte n’est pas si compliquée, car elle consiste simplement, je le répète, à constater les guérisons, lorsqu’il s’en produit.

Il se reprit pourtant, il ajouta avec un sourire :

— Ah ! j’oubliais, j’ai Raboin, qui m’aide à mettre ici un peu d’ordre.