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genoux et priaient dévotement ; tandis que le père, M. Vigneron, admis dans la salle, faisait de grands signes de croix.

Pierre s’en alla, puisqu’il n’était plus utile. L’idée que trois heures étaient sonnées depuis longtemps, et que Marie devait l’attendre, le fit se hâter. Mais, comme il tentait de fendre la foule, il vit arriver la jeune fille, traînée dans son chariot par Gérard, qui n’avait pas cessé d’amener des malades aux piscines. Elle s’était impatientée, soudainement envahie par la certitude qu’elle se trouvait enfin en état de grâce. Et elle eut un mot de reproche.

— Oh ! mon ami, vous m’avez donc oubliée !

Il ne trouva rien à répondre, il la regarda disparaître dans les piscines des femmes, et il tomba à genoux, mortellement triste. C’était ainsi qu’il voulait l’attendre, prosterné, pour la reconduire à la Grotte, guérie certainement, chantant des louanges. Puisqu’elle était certaine d’être guérie, ne devait-elle pas l’être ? D’ailleurs, lui-même cherchait en vain des mots de prière, au fond de son être bouleversé. Il restait sous le coup des choses terribles qu’il venait de voir, écrasé de fatigue physique, le cerveau déprimé, ne sachant plus ce qu’il voyait, ni ce qu’il croyait. Seule, sa tendresse éperdue pour Marie restait, le jetait à un besoin de sollicitations et d’humilité, dans cette pensée que les tout petits, quand ils aiment bien et qu’ils supplient les puissants, finissent par obtenir des grâces. Et il se surprit à répéter avec la foule, d’une voix de détresse, sortie du fond de son être :

— Seigneur, guérissez nos malades !… Seigneur, guérissez nos malades !…

Cela dura dix minutes, un quart d’heure peut-être. Puis, Marie reparut, dans son chariot. Elle avait sa face désespérée et pâle, ses beaux cheveux noués en un lourd paquet d’or, que l’eau n’avait pas touché. Et elle n’était