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ses loques de noyé collées à ses membres. Ses cheveux s’égouttaient, des ruisseaux coulaient, inondaient la salle. Et le mort restait mort.

Tous s’étaient levés, le regardaient, au milieu d’un silence pénible. Puis, comme on le recouvrait et qu’on l’emportait, le père Fourcade le suivit, appuyé à l’épaule du père Massias, traînant sa jambe goutteuse, dont il avait oublié un moment la douloureuse pesanteur. Il retrouvait déjà toute sa forte sérénité, on l’entendit qui disait à la foule, pendant un silence :

— Mes chers frères, mes chères sœurs, Dieu n’a pas voulu nous le rendre. C’est que, sans doute, dans son infinie bonté, il le garde parmi ses élus.

Et ce fut tout, il ne fut plus question de l’homme. De nouveau, on amenait des malades, les deux autres baignoires étaient occupées. Cependant, le petit Gustave, qui avait suivi la scène de son œil fin et curieux, sans terreur, achevait de se déshabiller. Son misérable corps d’enfant scrofuleux apparut, avec ses côtes saillantes et l’arête épineuse de son échine, d’une maigreur qui faisait ressembler ses jambes à des cannes, la gauche surtout, desséchée, réduite à l’os ; et il avait deux plaies, l’une à la cuisse, l’autre aux reins, affreuse celle-ci, la chair à nu. Il souriait pourtant, si affiné par le mal, qu’il semblait avoir la raison et la philosophie brave d’un homme, pour ses quinze ans qui en paraissaient à peine dix.

Le marquis de Salmon-Roquebert, l’ayant pris délicatement dans ses bras, refusa l’aide de Pierre.

— Merci, il ne pèse pas plus qu’un oiseau… Et n’aie pas peur, mon cher petit, j’irai doucement.

— Oh ! monsieur, je ne crains pas l’eau froide, vous pouvez me plonger.

Il fut plongé ainsi dans la baignoire où l’on avait trempé l’homme. À la porte, madame Vigneron et madame Chaise, qui ne pouvaient entrer, s’étaient remises à