Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/185

Cette page n’a pas encore été corrigée

vivants, sans répugnance, s’était mis à l’écart, s’agenouillant lui aussi, pour ne pas toucher à ce corps. Et il l’imita, se prosterna près de lui, afin d’avoir une contenance.

Peu à peu, le père Massias s’exaltait, d’une voix si haute, qu’elle couvrait celle de son supérieur, le père Fourcade.

— Seigneur, rendez-nous notre frère !… Seigneur, faites cela pour votre gloire !

Déjà, un des hospitaliers s’était décidé à tirer sur le pantalon de l’homme ; mais les jambes ne cédaient pas, il aurait fallu soulever le corps ; et l’autre hospitalier, qui déboutonnait la vieille redingote, fit, à demi-voix, la réflexion qu’il serait plus court de tout couper, avec des ciseaux. Autrement, jamais on ne viendrait à bout de la besogne.

Berthaud se précipita. Il avait consulté le baron Suire, d’un mot rapide. Lui, au fond, en homme politique, désapprouvait le père Fourcade d’avoir tenté une pareille aventure. Seulement, il n’était plus possible de ne pas aller jusqu’au bout : la foule attendait, suppliait le ciel depuis le matin. Et la sagesse était d’en finir tout de suite, le plus respectueusement qu’on pourrait envers le mort. Aussi, plutôt que de le trop secouer pour le mettre nu, Berthaud pensait qu’il valait mieux le plonger tout habillé dans la piscine. Il serait toujours temps de le changer, s’il ressuscitait ; et, dans le cas contraire, peu importait, mon Dieu ! Vivement, il dit ces choses aux hospitaliers, il les aida à passer des sangles sous les cuisses et sous les épaules de l’homme.

Le père Fourcade avait approuvé d’un signe de tête, pendant que le père Massias redoublait de ferveur.

— Seigneur, soufflez sur lui et il renaîtra !… Seigneur, rendez-lui son âme pour qu’il vous glorifie !

D’un effort, les deux hospitaliers soulevèrent l’homme