Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/183

Cette page n’a pas encore été corrigée

luisantes, louches, flottaient. Il y avait au bord, à gauche, un caillot rouge, comme si un abcès avait crevé à cette place. Des bouts de linge nageaient ainsi que des chairs mortes. Mais son épouvante de l’eau froide était si grande, qu’il préférait pourtant ces bains souillés de l’après-midi, parce que tous les corps qui s’y trempaient, finissaient par les réchauffer un peu.

— Nous allons vous laisser glisser sur les marches, expliqua le marquis à demi-voix.

Puis, il recommanda à Pierre de le soutenir fortement par les aisselles.

— Ne craignez rien, dit le prêtre, je ne lâcherai pas.

Lentement, M. Sabathier fut descendu. On ne voyait plus que son dos, un pauvre dos de douleur, qui se balançait, se gonflait, se moirait d’un frisson. Et, quand il fut plongé, la tête se renversa dans un spasme, on entendit comme un craquement des os, pendant qu’il étouffait, d’un souffle éperdu.

L’aumônier, debout devant la baignoire, avait repris, avec une ferveur nouvelle :

— Seigneur, guérissez nos malades !… Seigneur, guérissez nos malades !

M. de Salmon-Roquebert répéta le cri, qui était réglementaire pour les hospitaliers, à chaque immersion. Pierre dut également le jeter, et sa pitié devant tant de souffrance était si grande, qu’il retrouvait un peu de sa foi : depuis bien longtemps, il n’avait pas prié ainsi, souhaitant qu’il y eût au ciel un Dieu, dont la toute-puissance pût soulager l’humanité misérable. Mais, au bout de trois ou quatre minutes, lorsqu’ils retirèrent de la baignoire, à grand’peine, M. Sabathier, blême et grelottant, il éprouva une tristesse plus désespérée, à voir l’ataxique si malheureux, comme anéanti, de ne sentir aucun soulagement : encore une tentative inutile ! la sainte Vierge n’avait pas daigné l’entendre, pour la septième fois. Il fermait les