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de tenter le miracle ; et, comme elle racontait qu’elle n’avait pu rien manger, une jeune fille s’approcha.

— Ma chère demoiselle, si vous vous sentiez trop faible, vous savez que nous avons ici du bouillon.

Elle reconnut Raymonde. Des jeunes filles étaient ainsi employées à la Grotte, pour distribuer des tasses de bouillon et de lait aux malades. Même certaines, les années précédentes, s’étaient livrées à une telle coquetterie de fins tabliers de soie, garnis de dentelle, qu’on leur avait imposé un tablier d’uniforme, une modeste toile à carreaux blancs et bleus. Et Raymonde, malgré tout, avait réussi à se faire charmante dans cette simplicité, avec sa jeunesse et son air empressé de bonne petite ménagère.

— N’est-ce pas ? répéta-t-elle, faites-moi un signe, et je vous servirai.

Marie remercia, dit qu’elle ne prendrait sûrement rien ; puis, se retournant vers le prêtre :

— Une heure, une heure encore, mon ami.

Alors, Pierre voulut rester près d’elle. Mais toute la place devait être réservée aux malades, on ne tolérait pas la présence des brancardiers. Entraîné par le flot mouvant de la foule, il se trouva porté vers les piscines, il tomba sur un spectacle extraordinaire, qui le retint. Devant les trois édicules, où étaient les baignoires, trois par trois, six pour les femmes et trois pour les hommes, il y avait un long espace, sous les arbres, qu’une grosse corde, nouée aux troncs, fermait et laissait libre ; des malades, dans de petites voitures ou sur des brancards, y attendaient leur tour, à la file ; tandis que, de l’autre côté de la corde, se pressait une cohue immense, exaltée. À ce moment, un capucin, debout au milieu de l’espace libre, dirigeait les prières. Des Ave'' se succédaient, que la foule balbutiait, d’un grand murmure confus. Puis, tout d’un coup, comme madame Vincent, qui depuis longtemps attendait, pâle d’angoisse, entrait enfin, avec son cher