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dans un corridor. Puis, comme il se désespérait, il était tombé sur deux chambres, étroites à la vérité, mais dans un bon hôtel, l’hôtel des Apparitions, un des mieux fréquentés de la ville. Les personnes qui les avaient retenues venaient de télégraphier que leur malade était mort. Enfin, une chance inouïe, dont il semblait tout égayé.

Onze heures sonnaient, le lamentable cortège se remit en marche, par les places, par les rues ensoleillées ; et, quand elle fut à l’Hôpital de Notre-Dame des Douleurs, Marie supplia son père et le jeune prêtre d’aller déjeuner tranquillement à l’hôtel, puis de se reposer un peu, avant de revenir la prendre vers deux heures, au moment où l’on devait reconduire les malades à la Grotte. Mais, à l’hôtel des Apparitions, après le déjeuner, les deux hommes étant montés dans leurs chambres, M. de Guersaint, brisé de fatigue, s’endormit d’un si profond sommeil, que Pierre n’eut pas le cœur de le réveiller. À quoi bon ? sa présence n’était point indispensable. Et il retourna seul à l’Hôpital, le cortège redescendit l’avenue de la Grotte, fila le long du plateau de la Merlasse, traversa la place du Rosaire, au milieu de la foule sans cesse accrue, qui frémissait et se signait, dans la joie de l’admirable journée d’août. C’était l’heure glorieuse d’un beau jour.

De nouveau installée devant la Grotte, Marie demanda :

— Mon père va nous rejoindre ?

— Oui, il se repose un instant.

Elle eut un geste, disant qu’il avait bien raison. Et, d’une voix pleine de trouble :

— Écoutez, Pierre, ne venez me chercher que dans une heure, pour me conduire aux piscines… Je ne suis pas assez en état de grâce, je veux prier, prier encore.

Après avoir désiré si ardemment être là, une terreur l’agitait, des scrupules la rendaient hésitante, au moment