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moindres dépenses du voyage et du séjour ; on les prenait à leur domicile et on les y ramenait ; ils n’avaient donc qu’à emporter quelques vivres de route. Le plus grand nombre étaient, à la vérité, recommandés par des prêtres ou par des personnes charitables, qui veillaient à l’enquête, à la formation du dossier, les pièces d’identité nécessaires, les certificats des médecins. Après quoi, les malades n’avaient plus à s’occuper de rien, n’étaient plus que de la triste chair à souffrance et à miracles, entre les mains fraternelles des hospitaliers et des hospitalières.

— Mais, madame, expliquait Pierre, vous n’auriez eu qu’à vous adresser au curé de votre paroisse. Cette pauvre enfant méritait toutes les sympathies. On l’aurait acceptée immédiatement.

— Je ne savais pas, monsieur l’abbé.

— Alors comment avez-vous fait ?

— Monsieur l’abbé, je suis allée prendre un billet à un endroit que m’avait indiqué une voisine qui lit les journaux.

Elle parlait des billets, à prix très réduit, qu’on distribuait aux pèlerins qui pouvaient payer. Et Marie, écoutant, était prise d’une grande pitié et d’un peu de honte : elle qui n’était pas absolument sans ressources, avait réussi à se faire hospitaliser, grâce à Pierre, tandis que cette mère et sa triste enfant, après avoir donné leurs pauvres économies, restaient sans un sou.

Mais une secousse plus rude du wagon lui arracha un cri.

— Oh ! père, je t’en prie, soulève-moi un peu. Je ne puis plus rester sur le dos.

Et, lorsque M. de Guersaint l’eut assise, elle soupira profondément. On venait à peine de dépasser Étampes, à une heure et demie de Paris, et la fatigue déjà commençait, avec le soleil plus chaud, la poussière et le bruit. Madame de Jonquière s’était mise debout, pour