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des pans de constructions cyclopéennes, puis de vagues toitures au delà, les toits décolorés et perdus de l’ancienne ville ; tandis qu’en deçà du Château, débordant à droite et à gauche, la ville nouvelle riait parmi les verdures, avec ses façades blanches d’hôtels, de maisons garnies, de beaux magasins, toute une cité riche et bruyante, poussée là en quelques années, comme par miracle. Le Gave passait au pied du roc, roulant le fracas de ses eaux limpides, vertes et bleues, profondes sous le vieux pont, bondissantes sous le pont neuf, construit par les Pères, pour relier la Grotte à la gare et au boulevard ouvert récemment. Et, comme fond à ce tableau délicieux, à ces eaux fraîches, à ces verdures, à cette ville rajeunie, éparse et gaie, se dressaient le petit Gers et le grand Gers, deux croupes énormes de roche nue et d’herbe rase, qui, dans l’ombre portée où elles baignaient, prenaient des teintes délicates, un mauve et un vert pâlis qui se mouraient dans du rose.

Puis, au nord, sur la rive droite du Gave, au delà des coteaux que suit la ligne du chemin de fer, montaient les hauteurs du Buala, des pentes boisées, noyées de clartés matinales. C’était de ce côté que se trouvait Bartrès. Plus à gauche, la serre de Julos se dressait, dominée par le Miramont. D’autres cimes, très loin, s’évaporaient dans l’éther. Et, au premier plan, s’étageant parmi les vallonnements herbus, de l’autre côté du Gave, la gaieté de ce point de l’horizon était les couvents nombreux qu’on avait bâtis. Ils semblaient avoir grandi comme une végétation naturelle et prompte sur cette terre du prodige. Il y avait d’abord un Orphelinat, créé par les Sœurs de Nevers, et dont les vastes bâtiments resplendissaient au soleil. Puis, c’étaient les Carmélites, en face de la Grotte, sur la route de Pau ; et les Assomptionnistes, plus haut, au bord du chemin de Poueyferré ; et les Dominicaines, perdues au désert, ne montrant qu’un angle de leurs