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Mais le vieux prêtre l’interrompit. Il lui montra Marie, qui les écoutait, étendue dans sa caisse :

— Vous renvoyez tous nos malades mourir chez eux, même mademoiselle, n’est-ce pas ? qui est en pleine jeunesse et qui veut vivre.

Marie, ardemment, ouvrait ses grands yeux, dans son désir d’être, de prendre sa part du vaste monde ; et le Commandeur, s’étant approché, la regardait, saisi brusquement d’une profonde émotion, qui fit trembler sa voix.

— Si mademoiselle guérit, je lui souhaite un autre miracle, celui d’être heureuse.

Et il s’en alla, continua sa promenade de philosophe courroucé, au milieu des malades, en traînant le pied et en tapant les dalles du fer de sa grosse canne.

Peu à peu, le trottoir se déblayait, on avait emporté madame Vêtu et la Grivotte ; et ce fut Gérard qui emmena M. Sabathier dans une petite voiture ; tandis que le baron Suire et Berthaud donnaient déjà des ordres, pour le train suivant, le train vert, qu’on attendait. Il n’y avait plus là que Marie, dont Pierre se chargeait jalousement. Mais il s’était attelé, il l’avait traînée dans la cour de la gare, lorsqu’ils remarquèrent que, depuis un instant, M. de Guersaint avait disparu. Tout de suite, d’ailleurs, ils l’aperçurent en grande conversation avec l’abbé Des Hermoises, dont il venait de faire la connaissance. Une égale admiration de la nature les avait rapprochés. Le jour achevait de paraître, les montagnes environnantes se montraient dans leur majesté. Et M. de Guersaint poussait des cris de ravissement.

— Quel pays, monsieur ! Voici trente ans que je désire visiter le cirque de Gavarnie. Mais c’est encore loin, et si cher, que je ne pourrai sûrement faire cette excursion.

— Monsieur, vous vous trompez, rien n’est plus faisable. En se mettant à plusieurs, la dépense est modique.