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Elle était d’une légèreté de pauvre oiseau frileux, il n’y eut que la caisse qui leur donna du mal. Puis, les deux hommes la posèrent sur les paires de roues, qu’ils boulonnèrent. Et Pierre aurait pu emmener Marie, la rouler tout de suite, sans la foule qui l’entravait.

— Dépêchons, dépêchons ! répétait le chef de gare.

Lui-même aidait, donnait un coup de main, soutenait les pieds d’un malade, pour qu’on le tirât plus vite d’un compartiment. Il poussait les petites voitures, déblayait le bord du trottoir. Mais, dans un wagon de seconde, une femme, la dernière à descendre, était prise d’une atroce crise nerveuse. Elle hurlait, se débattait. On ne pouvait songer à la toucher en ce moment. Et cet express qui arrivait, que signalait le tintement ininterrompu des sonneries électriques ! Il fallut se décider, refermer la portière, conduire le train sur la voie de garage, où il allait rester tout formé pendant trois jours, en attendant de reprendre son chargement de pèlerins et de malades. Tandis qu’il s’éloignait, on entendit encore les cris de la misérable, qui, seule, avait dû y rester avec une religieuse, des cris de plus en plus faibles, des cris d’enfant sans force, qu’on finit par calmer.

— Bon Dieu ! murmura le chef de gare, il était temps !

En effet, l’express de Bayonne arrivait à toute vapeur, et il passa dans un coup de foudre, le long de ce trottoir pitoyable, où traînait la douloureuse misère d’une débâcle d’hôpital. Les petites voitures, les brancards en furent secoués ; mais il n’y eut pas d’accident, les hommes d’équipe veillaient, écartaient des voies le troupeau affolé qui continuait à se bousculer pour sortir. D’ailleurs, la circulation se rétablit aussitôt, les brancardiers purent achever le transport des malades, avec une lenteur prudente.

Le jour augmentait, une aube limpide qui blanchissait le ciel, dont le reflet éclairait la terre, noire encore. On commençait à distinguer les gens et les choses.