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faire le tour par l’autre portière, on réussit enfin à le déposer sur le quai de débarquement. Le jour se levait, un petit jour pâle ; et ce quai apparaissait lamentable, avec son déballage d’ambulance improvisée. Déjà, la Grivotte sans connaissance gisait là, sur un matelas, en attendant qu’on vînt la prendre ; tandis qu’on avait dû asseoir contre un bec de gaz madame Vêtu, souffrant d’une telle crise, qu’elle jetait un cri à la moindre secousse. Des hospitaliers, les mains gantées, roulaient difficilement, dans leurs petites voitures, de pauvres femmes sordides, ayant à leurs pieds de vieux cabas ; d’autres ne pouvaient dégager leurs brancards, où s’allongeaient des corps raidis, de tristes corps muets, aux yeux d’angoisse ; et des infirmes, cependant, des estropiés parvenaient à se glisser, un jeune prêtre boiteux, un petit garçon avec des béquilles, bossu et amputé d’une jambe, qui se traînait parmi les groupes, pareil à un gnôme. Tout un embarras s’était fait devant d’un homme courbé en deux, tordu par une paralysie, à ce point, qu’il fallait le transporter, plié ainsi, sur une chaise renversée, les jambes et la tête en bas.

Alors, l’effarement fut à son comble, lorsque le chef de gare se précipita, criant :

— L’express de Bayonne est signalé… Dépêchons ! dépêchons ! Vous avez trois minutes.

Le père Fourcade, dominant la cohue, au bras du docteur Bonamy, l’air gai, encourageant les plus malades, appela d’un geste Berthaud, pour lui dire :

— Finissez de les descendre tous, vous les emporterez bien ensuite.

Le conseil était plein de sagesse, on acheva le déballage. Dans le wagon, il ne restait que Marie, qui attendait patiemment. M. de Guersaint et Pierre venaient enfin de reparaître, avec les deux paires de roues ; et, en hâte, Pierre descendit la jeune fille, aidé seulement de Gérard.