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Alors, Gérard, trouvant que son cousin Berthaud menait les choses trop rondement, bien résolu à ne pas se laisser engager ainsi, se contenta de saluer d’un air de grande politesse.

— Nous attendons maman, reprit la jeune fille. Elle est très occupée, elle a de gros malades.

La petite madame Désagneaux, avec sa jolie tête blonde aux cheveux fous, se récria, dit que c’était bien fait, que madame de Jonquière avait refusé ses services ; et elle piétinait d’impatience, elle brûlait de s’en mêler, d’être utile ; tandis que madame Volmar, effacée, muette, se désintéressait, tâchait simplement de percer l’ombre, comme si elle eût cherché quelqu’un, de ses yeux magnifiques, voilés d’ordinaire, où s’allumait un brasier.

Mais, à ce moment, il y eut une poussée. On descendait madame Dieulafay de son compartiment de première classe ; et madame Désagneaux ne put retenir une plainte de pitié.

— Ah ! la pauvre femme !

C’était navrant, en effet, cette jeune femme, parmi son grand luxe, couchée avec ses dentelles comme en un cercueil, si fondue, qu’elle semblait une loque, et gisant sur ce trottoir, dans l’attente d’être emportée. Son mari et sa sœur restaient debout près d’elle, tous les deux très élégants et très tristes ; pendant qu’un domestique courait avec des valises, allait s’assurer que la grande calèche, commandée par télégramme, était bien dans la cour. L’abbé Judaine, lui aussi, assistait la malade ; et, quand deux hommes la soulevèrent, il se pencha, lui dit au revoir, prononça quelques bonnes paroles, qu’elle parut ne pas entendre. Puis, la regardant partir, il ajouta, en s’adressant à Berthaud qu’il connaissait :

— Les pauvres gens ! s’ils pouvaient acheter la guérison ! Je leur ai dit que l’or le plus précieux, auprès de la sainte